by : D. Huillet, J.-M. Straub
durée : 07:00 mn
1982
L’enfant Ernesto ne veut apprendre que ce qu’il sait déjà. « Comment apprendre ce qu’il ne sait pas déjà ? » demande le maître . « En rachachant », répond l’enfant.
Adapté du conte Ah Ernesto ! (1971) de Marguerite Duras qu’elle portera elle-même à l’écran en 1984 dans Les enfants, son dernier film.
Première comédie des Straub avant Du jour au lendemain. L’opposition comique réside dans l’opposition entre le discours convenu de l’éducation et la volonté farouche d’Ernesto de s’y opposer comme Du jour au lendemain traitera des comportements modernes stéréotypés et de la possibilité pour le couple d’y échapper.
Le film s’amorce et se conclut par un panoramique qui inscrits les personnages dans l’espace alors que la caméra privilégie entre ces deux plans une position unique pour chaque personnage ou groupe de personnages en variant la focale. Vers la fin toutefois, la caméra adopte un point de vue plongeant comme pour renforcer l’opposition entre les gardiens de l’orthodoxie et l’originalité d’Ernesto.
« Je ne retournerai pas à l’école parce qu’à l’école on m’apprend des choses que je ne sais pas » dira l’enfant Ernesto dans le plan initial. En conclusion, dans le panoramique final qui les conduit à la porte de la classe, les parents demanderont au maître « C’est-y vrai que ça saura quand même lire un jour, boire et manger, travailler-travailler, se tromper et tout le machin ? » » Hélas oui » répond celui-ci, bien convaincu de la pauvre situation à laquelle aboutit souvent l’éducation.
Heureusement entre ces deux plans, la passe d’armes aura été farouchement joyeuse. C’est d’abord l’instituteur qui ne reconnaît pas l’enfant, un transparent, anonyme parmi d’autres. Puis s’engage discussion philosophique sur la relativité de la loi. « Ici on est ici, on n’est pas partout « , si répond l’enfant « seul le président est partout » réplique le maître en montrant le portrait de Mitterand. L’explication de chose : Le président est un bonhomme, le papillon épinglé est un crime et ce que tiens le maître entre ses mains, c’est un ballon de football, une pomme de terre et la terre »
Au-delà de l’affrontement philosophique c’est une relation complice qui unit la famille. La mère dira : » Cas unique, c’est toujours ça. J’en ai sept et j’en ai mare » et « Ne le touchez pas ou je cogne » quand le maître délà hors de ses gonds (incholant) fera mine de le frapper. »Qu’est-ce qu’on va en faire ? » s »inquiète le père.
Enfant sur de lui : » C’est pas la peine d’apprendre ce que l’on ne sait pas encore », « Je saurais i-né-vi-ta-ble-ment », « Vous n’y pouvez-rien, calmez-vous »
« C’est un film d’entomologiste dit J-M. Straubs. On filme Ernesto comme Buñuel disait qu’il faut filmer les insectes. C’est un insecte comme un autre, et les insectes, c’est très important. Pour Rosa Luxembourg le sort d’un insecte qui lutte entre la vie et la mort quelque part dans un coin, à l’insu de toute l’humanité, a autant d’importance que le sort et l’avenir de la révolution à laquelle elle croyait. »
C’est une position finalement plus radicale que celle de Duras qui transformera Ernesto en savant. ici l’opposition philosophique (et non humaine) est radicale entre l’enfant Ernesto et les adultes aussi conformistes que désabusés.
Source : http://www.cineclubdecaen.com/realisat/straub/straub.htm
Une contribution : felipespencer
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