by : Jean-Paul Labro
2008-09
Durée : 17’
Apparition presque subliminale, le feu autour duquel se retrouvent rassemblés les protagonistes échappés de leurs films d’origine, on pourrait dire de leur fiction d’origine, dégage une impression immémoriale. Entre onirisme, moment chamanique et contemplatif, les acteurs réunis dans cette vision impromptue deviennent en quelque sorte des sans-abris, des représentants de l’outlandish.
Ce n’est sans doute pas un hasard si le film s’empare du genre du western pour en reformuler un palimpseste qui tient du rêve éveillé. La plongée au sein de cette mythologie cinématographique se révèle comme une traversée du miroir. Réservoirs fameux de codes idéologiques, le Far West et la conquête de l’Ouest se sont incarnés dans cette quête de la frontière : errance, découverte et lutte pour une mystique du territoire. Ces signes alimenteront par la suite tout un imaginaire mythologique et formel. Prélevés dans l’histoire du cinéma, on reconnaîtra notamment au nombre des fantômes invités par
Jean-Paul labro les personnages de Jim Jarmusch, de gus Van sant, et des extraits d’Easy Rider, de Conan le barbare, ou de La Nuit du chasseur…
Par ce jeu citationnel, Jean-Paul labro orchestre une rencontre impossible et irréelle, par le biais du seul plan de l’image. Ce palabre entrecoupé de silences et du crépitement continuel du foyer s’apparente à une conversation bâtarde enchâssant
des monologues et des dialogues provenant de scénarios autonomes. Langue filmique délirante, l’artefact semble empreint d’un mystère qui se nappe dans la nuit des temps. La particularité du montage de cette séquence réside dans cette incrustation des silhouettes autours de ce feu de camp, arrière-fond et image primitive. Lumière de projection, ombre portée, corps et visages éclairés, l’allusion à
la caverne et à un cinématographe des origines est à peine voilée.
Frédéric Emprou
(Extrait « John Doe, la casa mentale » in Semaine 08.09/ Editions Analogues – France)